Guidi sentant sa fin très proche, alors que je l'avais soustrait de l'hôpital pour lui offrir une mort plus douce, savait ne pouvoir assister à cette exposition qui lui tenait tant à coeur, et se résignait à l'idée que le déjeuner chez nous avec le professeur Israël, puis la fête, auraient lieu sans lui, à quelques jours près.
Si lucide et serein, il murmura de la voix blanche des agonisants : « laisse-moi partir »... Je quittai donc la main de Guidi, dans la mienne depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, très émue: il faut laisser les mourants libres de mourir.
Deux jours plus tôt, pensant à une future exposition dans l'Oise, dont il espérait que quelques ventes m'aideraient à assumer les frais de ses obsèques, il m'avait dicté cette lettre:
Chers amis,
J'aurais bien aimé être parmi vous pour ce verre de l'amitié et surtout pour le vernissage de mon exposition en Octobre prochain mais la vie en a décidé autrement.
Merci à tous de votre fidélité.
J'espère que la peinture que vous choisirez peut-être vous fera longtemps penser à moi, comme je pense à vous pendant ce répit qui m'est donné aujourd'hui, où je vous écris très lucide et résigné devant l'inéluctable.
Ne soyez pas trop tristes ! Je vivrai si longtemps encore à travers mes peintures et mes sculptures et je sais que c'est un immense privilège. Bien sûr, il faut boire des coups à ma mémoire, sinon à ma santé !
Je vous embrasse tous très fort.
GUIDI