Voyages lointains

Guidi aimait, en voyage, à s'imprégner lentement des atmosphères. Nous vivions hors du temps, c'est à dire en le prenant, sans confort, comme les autochtones, loin des palaces et des tour-operators. Comment connaître un peu l'Inde ou l'Egypte en moins de deux mois ? Nous partions donc toujours pour de longues périodes dans des conditions souvent spartiates, par choix plus encore que par nécessité. Nous empruntions les petites routes, séjournant dans des villages de campagnes perdues, logeant dans des chambres chez l'habitant ou des petits hôtels très modestes. Nous prenions des bus locaux, toute une aventure, sans oublier pour autant de visiter monuments ou sites prestigieux.

Nous n'avons donc jamais été des « touristes » et nous ne sommes jamais partis « en vacances » ( mot que nous détestions car dans « vacance » il y a « vide » ) mais en « voyage », nuance ! Le voyage était notre passion commune: il fut un ciment fécond de notre aventure humaine et artistique. Guidi me laissait préparer ces tribulations avec confiance dans mon sens de l'organisation dans le détail matériel et moral, mais il freinait parfois ma boulimie de visites et de rencontres.

Que de cartes et de documents avons-nous consultés avant nos expéditions ! Et surtout, vite, vite apprendre un peu d'arabe avant de partir pour l'Egypte et vite, après un moment de désarroi, réapprendre sur place une centaine de phrases et de mots essentiels totalement différents dans le dialecte égyptien ! Vite réviser son Assimil italien ou allemand, ou mémoriser sur place, encore plus vite, quelques phrases en cingalais, par exemple! Mais que de portes et de coeurs se sont ouverts grâce à la connaissance du langage du pays visité...

Guidi, qui ne parlait aucune langue étrangère et qui avait décidé une fois pour toutes qu'il n'était « pas doué pour cela », avait néanmoins un sens extraordinaire de la rencontre, dans la discrétion et le respect de l'Autre. Les touristes qui mitraillaient les autochtones, moyennant finances, le scandalisaient : pour lui, c'était un véritable viol.

Les quelques personnages qui apparaissent dans ses « paysages lointains » ont pourtant une présence d'une vérité exceptionnelle, même de dos. Avant de les photographier ou de les « croquer », il communiquait avec eux par les gestes et surtout par son regard gris à la fois vif et tendre et ceux-ci, du coup, étaient « apprivoisés », redevenant à l'instant authentiques.

L'Egypte et l'Inde, la Jordanie plus que la Turquie ou Israël ( qui l'avaient pourtant fasciné ) ont beaucoup inspiré Guidi, loin du pittoresque plus ou moins attendu par le grand public. On trouve beaucoup de rigueur et de pureté dans sa vision de Petra, en Jordanie, qui l'a mené jusqu'à l'abstraction véritable.

Chèvre devant le temple de Mahamalipuram ( village de sculpteurs près de Madras dans le Tamil Nadu - Inde du Sud )